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20 juin 2011

Crises grecques et Grèce en faillite au XIX° siècle

" Histoire de la Grèce" de Georges Contogeorgis – Ed. Hatier

 

L'État grec de 1830 à 1895.

 

Le pays en révolution était complètement déserté, la population avait subi d'énormes pertes et ceux qui avait survécu se trouvaient dans un état d'extrême misère. Le choix anglais d'un Etat le plus faible possible, auquel les autres puissances avaient consenti, engageait l'avenir grec sur une voie de déclin et de misères. Non seulement le nouvel État n'est pas viable matériellement, du fait des limites étroites de son territoire, mais en outre les protocoles d'indépendance imaginée par la politique anglaise institutionnalisent la dépendance totale de ces états à la volonté politique des puissances. D'ailleurs, précaution est prise pour que le système politique - la monarchie absolue - réunisse les conditions de la dépendance : la royauté sera héréditaire, la maison royale choisie par les puissances protectrices avec la consigne expresse de garantir et d'administrer cette dépendance.

Dans ce contexte, l'Angleterre, profitant de la situation financière catastrophique issue de la lutte pour l'indépendance, sous le couvert de prêts qu'elle octroie à la révolution, parvient à assujettir l'économie et la politique des finances publiques du nouvel État pour de longues années. Non seulement cette situation hypothèque et bloque toute politique autonome du nouvel État, mais elle aboutit aussi à couper l'hellénisme au sens large de l'État grec.

La formation d'un système politique et de forces politiques qui acceptent la protection des grandes puissances est le prolongement politique direct de la situation économico-sociale archaïque du nouvel État et de la dépendance imposée institutionnellement par les puissances. L'État grec est mis complètement sous tutelle. Mais cela va conduire à la formulation de l'idéologie de « la grande idée ».

 

La population paysanne, les para-sociétés jusqu'à un certain point, et en tout cas les couches « bourgeoises » des communes, voyaient la rupture du joug ottoman la libération sociale et la sécurité . Mais leurs attentes économiques et sociales se situent dans le champ de la commune.

À l'opposé, d'autres forces sociales, en premier lieu les couches bourgeoises de la diaspora et des grandes villes de l'empire ottoman, qui ont dépassé très tôt la perspective communale, recherche une organisation sociale et politique fondée sur un Etat socialement unifié, républicain et démocratique dans lequel l'organisation et le fonctionnement de la société dépendrait du pouvoir central. Certains voulaient que les cas organisaient sur une base unique l'administration, la justice, la législation, la sécurité, l'économie et l'éducation. Ils voulaient définir les objectifs du développement de la société et prendre les mesures nécessaires pour les atteindre. Estimant que l'Etat a un rôle crucial à jouer dans l'organisation et la mobilisation des forces de la nation en vue d'un développement rapide de l'économie et de la société, le gouverneur prend bientôt des mesures dans le domaine de l'instruction publique, l'administration, l'économie, du système de finances publiques, de la répression de la piraterie, de la constitution de l'appareil militaire, etc....

Cette politique, dans la mesure où elle favorise le passage à l'etat de l'essentiel du système des finances publiques, ne menace pas simplement les intérêts, mais aussi les fondements de la supériorité et sociale et économique des notables et aboutit ainsi à l'assassinat du gouverneur.

Les grandes puissances jouent un rôle très précis dans ce conflit interne. Leur intérêt s'est fait entrer sur la nature du régime qui ne devait en aucun cas exprimer les virtualités républicaines de l'idéologie bourgeoise. Cela aurait été inadmissible et dangereux dans la mesure où un tel régime ne lui aurait pas donné la garantie de pouvoir contrôler l'Etat nouvellement fondé et son gouvernement. Face à ce risque inacceptable, les puissances soutiennent les notables qui combatte l'Etat pour des raisons purement sociales et politiques.

Malgré des mesures énergiques prises par la monarchie par la suite dans le domaine de l'organisation de l'Etat, la dynastie ne parvient absolument pas à mettre en oeuvre la réforme des finances publiques et de l'économie. Les capitaux sont perdus ou placés ailleurs et les marchés sont conquis par les anciens concurrents, français et anglais notamment.

Une politique fondée sur le clientélisme se met en place. Ceux qui ont résisté, les tenants du polycentrisme, seront vaincus et ils s'intégreront aux institutions et au fonctionnement de l'État centralisé. C'est de ce dernier qu'ils chercheront désormais à tirer la richesse financière et surtout l'influence sociale dont ils jouissaient auparavant grâce aux mécanismes communaux et, dans d'autres circonstances, à la propriété des moyens de production.

Le renforcement du pouvoir de l'Etat facilité par le fait que la population, essentiellement rurale, se compose en grande partie de petits propriétaires couverts de dettes, qui ont besoin de l'État pour qu'ils absorbent leur excédent de main-d'oeuvre et leur permet de bénéficier de certaines prestations élémentaires.

Dès lors que l'Etat sert de principal employeur et fonctionne plus généralement comme une sorte d'appareil de production, ses représentants ont tout loisir de l'utiliser pour étendre et affermir leur influence sociale. C'est ce qui se produit dans le système dit clientéliste, dans lequel on se sert des institutions politiques pour instaurer des rapports de dépendance personnelle au niveau de la société locale. Le paysan, dans l'espoir d'obtenir une part de subsides de l'État, légitime par son suffrage le protecteur local et le pouvoir d'ordre personnel qu'il détient dans le système mais de cette façon, aux yeux du paysan, ce n'est pas l'État qui donne, mais les députés ou le chef du parti local peut se trouver être aussi le maire. L'Angleterre est pleinement consciente de ce que le contrôle de la politique extérieure du pays et directement déterminé par la faiblesse de ses moyens et veille donc, non seulement à ce que l'État reste faible mais aussi à y investir financièrement. C'est ainsi que l'engagement militaire grec dans la guerre turco-égyptienne provoquée par la politique sécessionniste de Mehmet Ali d'Égypte (1830-1841) conduit à la faillite officielle de l'État grec, à qui les grandes puissances imposent des conditions humiliantes.

Les interventions des puissances extérieures - Angleterre en  1850 lors du blocus maritime de la Grèce, la France et l'Angleterre pendant la guerre de Crimée (1853-1856) dans l'occupation du Pirée en 1854. Cette occupation se prolonge une année entière après la fin de la guerre de Crimée, après quoi une commission de contrôle financier est imposé à la Grèce jusqu'en 1859.

Les institutions politiques, même les plus avancées comme le suffrage universel, institué dès 1844, pour la première fois en Europe, et inscrit dans la Constitution de 1864, sont en Grèce le fondement et le vecteur de l'instauration des relations clientélistes et de la conquête de l'Etat par les champions du clientélisme .

 

 

Enfin, le problème agraire qui dans le cadre de l'ancien État semblait avoir été réglé par la réforme de 1871 grâces à la cession des terres nationales, se repose avec acuité, à la suite du rattachement de la Thessalie et d'une partie de l'Épire en 1881. Le départ des propriétaires turcs n'apporte pas les terres fertiles libérées à l'État comme il a été fait pendant la révolution . Des capitalistes grecs, des Grecs de l'extérieur, venus principalement de Constantinople, prennent bientôt la place des Turcs, si bien que 75 % des terres arables sont entre les mains de grands propriétaires fonciers pendant la décennie 1880 . Si les conditions locales et le clientélisme de l'ensemble du pays ne permet pas le développement d'un mouvement paysan, le problème agraire restera en suspens pendant tout le XIXe siècle et suscitera le des agitations incessantes.

De plus, la politique de travaux publics mise en oeuvre n'a pas été suivie d'une augmentation correspondant des recettes de l'État. Enfin le système fiscal lui-même qui tendait à protéger le grand capital, notamment les investissements étrangers, pesait particulièrement sur les couches agricoles et sur les classes bourgeoises moyennes, c'est-à-dire précisément sur celle qui était le véhicule social et, par suite, électoral, de la modernisation de l'État. Ainsi le recours à l'emprunt intérieur et extérieur était-il devenu inévitable, dans des proportions sans cesse croissantes, pour pouvoir continuer la politique de grands travaux et faire face aux cours des engagements du pays à l'extérieur.

Vers la fin de la décennie de 1880, la dynamique de l'essor économique qui reposait essentiellement sur la moyenne bourgeoisie s'essouffle. Le gouvernement se trouve confronté au mécontentement social intérieur plus ou moins généralisé et aux prétentions des créanciers grecs et étrangers de l'Etat et il perd le pouvoir. Lorsqu'il le retrouve en 1893, après un bref intermède, la couronne, l'opposition des anciens partis et les créanciers se dressent contre lui. La déclaration de faillite de l'Etat et la perte des élections qui se déroulent deux ans plus tard marquent l'échec de la seconde grande tentative de l'Etat néo-helléniques pour suivre les pas de l'hellénisme au sens large et procéder à la modernisation politique et économique.


 Les anciennes forces politiques accèdent au pouvoir en promettant aux couches populaires de les débarrasser des charges insupportables que la politique du gouvernement précédent faisait peser sur elle.

La période qui va jusqu'en 1907 se caractérise par une crise grave, marquée par un recul économique, un conservatisme politique et une aggravation des problèmes nationaux.

Les partis politiques ont été les facteurs essentiels de la mise en place et du fonctionnement du clientélisme, de l'appropriation de l'Etat et du bien social et, par prolongement, des mécanismes par excellence de la domination finale de la classe politique.

 

La révision constitutionnelle de 1911, mais aussi une imposante oeuvre législative qui suit, comporte des mesures importantes pour la consolidation de l'État de droit et l'extension des droits et libertés individuels. La propriété est renforcée, mais l'expropriation est introduit dans le même temps pour doter les agriculteurs sans terres. Des mesures sont prises pour améliorer l'efficacité de l'Etat, réprimer la corruption et le trafic d'influence, le principe de l'emploi permanent des fonctionnaires est posé pour la première fois et la justice et l'instruction publique sont considérablement renforcées. En outre, la politique d'élargissement et le consolidation du système politique libéral mené par le gouvernement s'accompagne d'un effort tendant à redresser l'économie nationale et à développer les recettes fiscales de l'Etat, domaines dans lesquels des résultats impressionnants sont obtenus.

Mesures :

- de grandes exploitations agricoles de Thessalie font l'objet d'une expropriation limitée au profit de paysans sans terre.

- les dernières traces de féodalité seront abolies à Corfou, des coopératives agricoles sont créées.

- un système de finances publiques sensiblement plus équitable est mis en place et la fraude fiscale est réprimée.

- dans le domaine social, d'importantes réglementations protégeant les travailleurs sont adoptées (repos dominical obligatoire, etc..), les associations ouvrières (syndicats, etc.) à caractère professionnel sont reconnues (interdiction aux employeurs de participer aux associations), de même que leur capacité à conclure des conventions collectives.

Nombres d'autres dispositions sont prises qui situent l'oeuvre des gouvernements libéraux de la deuxième décennie du 20e siècle à l'avant-garde de cette époque.

 

 

" Histoire de la Grèce" de Georges Contogeorgis – Ed. Hatier

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